L’annonce (Gallimard)

18 novembre 2025

Par Pierre Assouline

Le pays n’avait que vingt-cinq ans en 1973 et il connaissait déjà sa quatrième guerre. Nous sommes au temps de la Guerre du Kippour quand Israël est attaqué par surprise par une coalition militaire menée par l’Égypte et la Syrie.

Dans ce nouveau roman de Pierre Assouline, on y croise Raphaël, un étudiant parisien, qui s’est porté volontaire pour aller au secours d’Israël. Attiré depuis longtemps par Sion, il le dit avec ses mots : « Jérusalem, je n’avais cessé d’y retourner tant son pouvoir d’attraction est puissant. Peu de cité dégagent un tel magnétisme ». Raphaël rêvait d’héroïsme et de servir cette jeune nation au plus près du front ; il se retrouve à l’arrière dans un Mochav à nourrir des dindons. Il espère croiser son idole, Léonard Cohen, venu lui aussi soutenir le pays avec sa guitare et son chant.

 On y croise aussi Esther, une jeune soldate israélienne qui travaille dans les services psychologiques de l’armée. Sa mission est d’annoncer le décès des soldats aux familles. Mais comment trouve-t-elle les mots justes pour apaiser l’indicible ? Esther a sa formule : « Votre mari est parti vivant ». Une phrase, quand on y réfléchit, qui ne veut rien dire. Mais que dire alors ? Raphaël tente une formule : « Essaie : Le vrai tombeau des morts, c’est le cœur des vivants ».

Ils ont vingt ans et voudraient vivre sans peur leur amour naissant. Quelques semaines vont bouleverser à jamais leur rapport à la mort. L’un et l’autre devront l’annoncer sans y être préparés.
Assouline ne nous lâche pas une seconde et veut à chaque page nous faire réfléchir ; c’est là son grand talent. Au détour de cette aventure réaliste et romanesque, il sème ses petites pierres qui donne à son texte une épaisseur philosophique et politique : « A la naissance, tout Israélien apprend qu’il vit à l’ombre d’un volcan » ; « La guerre ne fait pas que des morts : elle tue aussi des vivants, mais plus lentement. Le calvaire n’en est que plus grand car ce n’est pas le corps mais l’âme qui est touchée » ; « Il faut rester vivant jusqu’à la mort… il ne faudrait partir que lorsqu’on a fini de vivre ».

Le roman s’achève en guise d’épilogue, après une séparation de cinquante ans, par de belles retrouvailles entre les amants. Une occasion pour l’auteur d’évoquer le présent, les massacres du 7 octobre 2023 et la guerre qui frappe à nouveau. Le tragique de l’Histoire est-il immuable ?

Vianney Mallein

PS : Pierre Assouline sera en débat au festival Histoire de Lire avec @Denis Olivennes, auteur @Plon, le dimanche 23 novembre à 17h.